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désormais aux communes. Après avoir excité les espérances du peuple dans l'exercice qu'elles en feraient,
elles seront incapables de s'en servir avec modération ; la cour ne se résignera pas à se voir lier les mains ; la
noblesse, le clergé, les parlements et l'armée, menacés d'anéantissement, se réuniront pour la défense
commune ; mais comme un tel accord demande du temps pour s'établir, ils trouveront le peuple armé, d'où
une guerre civile sanglante devra suivre. Cette opinion, je l'ai manifestée plus d'une fois sans trouver
quelqu'un qui s'y ralliât. [ Je me permettrai de remarquer ici, longtemps après avoir écrit cette prédiction, que
quoiqu'elle ne se soit pas accomplie, j'étais dans le vrai en la faisant, et que la suite ordinaire des choses eût
amené la guerre civile, à laquelle tout tendait depuis la séance royale. De même je persiste plus que jamais à
croire qu'il fallait accepter les propositions offertes. Il n'y avait pas plus à s'occuper de ce qui est advenu
ensuite que de mes chances pour devenir roi de France. ( Note de l'auteur. ) ] A tout hasard, le vent est
tellement en faveur du peuple, et la conduite de la cour est si faible, si indécise, si aveugle, qu'il arrivera peu
de chose que l'on ne puisse dater de ce moment. De la vigueur et du savoir-faire eussent tourné les chances
du côté de la cour, car la grande majorité de la noblesse du royaume, le haut clergé, les parlements et l'armée
soutenaient la couronne ; son abandon de la seule marche qui assurât son pouvoir laisse place à toutes les
exigences. Le soir, les feux d'artifice, les illuminations, la foule et le bruit ont été croissants au Palais-Royal :
la dépense doit être énorme, et cependant personne ne sait de source certaine par qui elle est supportée. On
donne dans les boutiques autant de pétards et de serpenteaux pour douze sous qu'on en aurait eu pour cinq
livres en temps ordinaire. Nul doute que ce ne soit aux frais du duc d'Orléans. On tient ainsi le peuple dans
une perpétuelle fermentation, toujours assemblé, toujours prêt à se jeter dans les hasards lorsqu'il y sera
appelé par les hommes auxquels il a confiance. Naguère il aurait suffi d'une compagnie de Suisses pour
étouffer tout cela, a présent il faudrait un régiment mené avec vigueur ; dans quinze jours, c'est à peine si une
armée y réussira. Au théâtre, mademoiselle Contat m'a enchanté dans le Misanthrope de Molière. C'est
vraiment une grande actrice, réunissant l'aisance, la grâce, le port, la beauté, à l'esprit et à l'âme. Molé a joué
Alceste d'une manière admirable. Je ne prendrai pas congé du Théâtre-Français sans lui donner encore une
fois la préférence sur tout ce que j'ai vu.
JOURNAL 82
Voyages en France pendant les années 1787, 1788, 1789
Je quitterai Paris, toutefois, heureux de l'assurance que les représentants du peuple ont sans conteste dans
leurs mains le pouvoir d'améliorer tellement la constitution du pays, que désormais les grands abus y soient,
sinon impossibles, au moins d'une extrême difficulté à établir ; que, par conséquent, ils fonderont une liberté
politique entière, et s'ils y réussissent, qu'ils mettront à profit mille occasions de doter leurs compatriotes du
bienfait inappréciable de la liberté civile. L'état des finances place en fait le gouvernement sous la
dépendance des états et assure ainsi leur périodicité. D'aussi grands bienfaits répandront le bonheur chez
vingt-cinq millions d'hommes, idée noble et encourageante qui devrait animer tout citoyen du monde, quels
que soient son état, sa religion, son pays. Je ne me permettrais pas un instant de croire que les représentants
puissent jamais assez oublier leurs devoirs envers la nation française, l'humanité, leur propre honneur, pour
que des vues impraticables, des systèmes chimériques, de frivoles idées d'une perfection imaginaire, arrêtent
leurs progrès et détournent leurs efforts de la voie certaine pour engager dans les hasards des troubles les
bienfaits assurés qu'ils ont en leur puissance. Je ne concevrai jamais que des hommes ayant sous la main une
renommée éternelle, jouent ce riche héritage sur un coup de dés, au risque d'être maudits comme les
aventuriers les plus effrénés qui aient jamais fait honte à l'humanité. Le duc de Liancourt ayant une collection
de brochures, puisqu'il achète tout ce qui se publie sur les affaires présentes, et entre autres les cahiers de tous
les districts et villes de France pour les trois ordres, il y avait pour moi un grand intérêt de parcourir tous ces
cahiers, dans la certitude d'y trouver l'énumération des griefs des trois ordres et l'indication des améliorations
à apporter au gouvernement et à l'administration. Les ayant tous parcourus la plume à la main pour en faire
des extraits, je quitterai Paris demain.
Le 28. M'étant pourvu d'un cabriolet français ( ce qui répond à notre gig ) et d'un cheval, je me mis en
route après avoir pris congé de mon excellent ami M. Lazowski, dont l'inquiétude sur le sort de son pays
m'inspirait autant de respect pour son caractère que les mille attentions que chaque jour je recevais de lui
m'avaient donné de raisons pour l'aimer. Ma bonne protectrice, la duchesse d'Estissac, eut la bonté de me
faire promettre de revenir chercher l'hospitalité dans son hôtel, au terme du voyage que j'allais entreprendre.
Je ne me souviens pas du nom de l'endroit où je dînai en allant à Nangis ; mais c'est une station de poste, à
gauche, un peu à l'écart de la route. Il n'y avait qu'une mauvaise chambre avec des murailles nues. Le temps
était froid et le feu me manquait ; car, à peine fut-il allumé, qu'il fuma d'une façon insupportable. Cela me
mit d'effroyable humeur. Je venais de passer quelque temps à Paris, au milieu de l'ardeur, de l'énergie et de
l'animation d'une grande révolution ; dans les moments que ne remplissaient pas les préoccupations
politiques, je jouissais des ressources de conversations libérales et instructives, de l'amusement du premier
théâtre du monde, et les accents enchanteurs de Mandini m'avaient tour à tour consolé ou charmé pendant des
instants trop fugitifs. Le brusque changement de tout cela contre une chambre d'auberge, et d'auberge
française, l'ignorance de chacun sur les événements d'alors qui le regardaient au plus haut point, la
circonstance aggravante de manquer de journaux avec une presse bien plus libre qu'en Angleterre, formaient
un tel contraste que le coeur me manqua. A Guignes, un maître de danse ambulant faisait sauter avec sa
pochette quelques enfants de marchands ; pour soulager ma tristesse, j'assistai à leurs plaisirs innocents, et je
leur donnai, avec une munificence grande, quatre pièces de douze sous pour acheter un gâteau, ce qui les
remplit d'une nouvelle ardeur ; mais mon hôte, le maître de poste, fripon hargneux pensa que, puisque j'étais
si riche, il en devait avoir sa part, et me fit payer neuf livres dix sous pour un poulet maigre et coriace, une
côtelette, une salade et une bouteille de mauvais vin. Une si basse et si pillarde disposition ne contribua pas à
me remettre de bonne humeur. 30 milles.
Le 29 Nangis. Le château appartient au marquis de Guerchy, qui, l'an dernier, à Caen, m'avait fait
promettre, par ses instances amicales, de passer quelques jours ici. Une maison presque remplie d'hôtes, dont
quelque-uns fort agréables, l'ardeur de M. de Guerchy pour la culture, et l'aimable naïveté de la marquise sur
ce point comme sur ceux de la politique et de la vie commune, étaient ce qu'il fallait pour me relever. Mais je
me trouvai dans un cercle de politiques avec lesquels je ne pus m'accorder que sur une chose, les souhaits
d'une liberté indestructible pour la France ; quant aux moyens de l'obtenir, nous étions aux pôles opposés. Le
chapelain du régiment de M. de Guerchy, qui a ici une cure et que j'avais connu à Caen, M. l'abbé de ..., se
montrait particulièrement très porté pour ce que l'on appelle la régénération du royaume, impossible [ Pobierz caÅ‚ość w formacie PDF ]

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